- Albert, tu es là ?
Périe pénètre dans la serre où je me suis assis quelques instants. J'aime cet endroit où se mêlent les parfums les plus subtils, les couleurs les plus douces, le silence le plus pur.
- Entre donc !
Je lui souris. Nous sommes mariés depuis bientôt 7 ans et chaque instant de notre vie me remplit d'un bonheur si profond que j'ai l'impression de ne vivre que des premières fois...
Elle se tient devant moi, dans sa robe à la polonaise blanche et noire, sur une jupe plissée violette. Un chapeau ajouré encadre son visage aux lignes délicates et fragiles. Elle me retourne à contre-jour un timide sourire cependant que, derrière elle, les arbres et les buissons du jardin frémissent au vent chaud de l'été.
- Que penses-tu de ma robe ?
- Ce que je pense de ta robe, mon cœur ? Mais, que tu la portes avec une grâce infinie ! Cette robe, elle ne t'habille pas, elle te caresse...
Périe rougit. elle reprend:
- M'aimes-tu comme au premier jour ?
- Je t'aime bien plus qu'au premier jour, ma Périe.
- Et quand je serai morte, tu...
Je me lève, je m'approche d'elle, je pose ma main sur ses lèvres, très doucement.
- Qui te dit que tu partiras avant moi, madame Bartholomé ?
- Je le sais, je le sens, c'est tout...
Sa bouche fait une moue adorable. Je ne sais que dire, alors, je l'embrasse, passionnément, mes mains enserrent sa taille, son parfum m'enivre. Je voudrais que le temps s'arrête.
Enceinte, Périe mourra de la tuberculose en 1887. Albert Bartholomé est inconsolable. Il abandonne peinture et pastel. Son ami intime, Edgar Degas le convaincra de se tourner vers la sculpture où Bartholomé fera preuve d'un immense talent. Il sculptera notamment le monument funéraire élevé à la mémoire de son épouse, à Crépy en Valois.
Dans ses conférences d'histoire de l'art, Fabrice Roy conjugue le passé au présent, dans une évocation poétique et ludique du 19ème siècle français...