Charlotte et Gustave
Gustave Caillebotte a toujours été discret sur sa vie amoureuse. Il ne s'est jamais marié et n'a pas eu d'enfant, contrairement à son frère Martial, qui épouse Marie Minoret en 1887. Cette dernière, à l'éducation religieuse très aboutie, refusera de voir Gustave quand elle apprendra qu'il vit une sorte de concubinage avec une certaine Anne-Marie Hagen, également connue sous le nom de Charlotte Berthier.

Charlotte, que l'on voit sur ce tableau prendre soin de la roseraie du Petit-Gennevilliers, est âgée de 23 ans. Elle a donc 15 ans de moins que Gustave et ils vivront ensemble durent 11 ans jusqu'à la mort du peintre en 1894. Charlotte gèrera l’intendance de la propriété où Gustave s'installe définitivement à partir de 1888. La liaison de Charlotte et Gustave est attestée dès 1883, alors que celui-ci habite encore avec son frère Martial au 31 boulevard Hausmann à Paris.

Une lette écrite par Gustave Caillebotte à Claude Monet pour l'informer qu'il irait le voir à Etretat mentionne expressément la jeune femme:
" Mon cher ami
Charlotte est au lit depuis quelques jours ce qui fait que j’ai remis mon voyage à la semaine prochaine. J’espère qu’elle se lèvera dans 2 ou 3 jours et j’ai l’intention d’aller vous voir à Etretat si vous y êtes encore mercredi prochain par le train du matin 8h et quelques minutes.
Tout à vous
G. Caillebotte"

Gustave n’a jamais fait de portrait de Charlotte, et son frère Martial ne l'a jamais photographiée. En revanche, l'ami Renoir l'a peinte, également en 1883. Gracieuse, avec quelques rondeurs, Charlotte prend la pose avec le même petit chien sur les genoux. son regard laisse transparaître une grande douceur teintée de nostalgie. On sait très peu de choses de la jeune femme, on ne connait même pas avec certitude la date de sa mort.

On retrouve Charlotte Berthier dans cette étude réalisée vers 1893 dans laquelle elle est au soleil, dans le jardin, toujours accompagnée de son petit chien, véritable fil rouge des tableaux qui la représentent.

Et ci-dessus, le tableau définitif, que Caillebotte réalise un an avant sa disparition. On en comprend le titre "les dahlias" par le foisonnement de ces fleurs au premier plan. À noter que le chien s'est retourné par rapport à l'étude !
Toujours en 1883, Gustave Caillebotte mentionne sa compagne dans une addition de quatre pages à son testament, dont une première version avait été rédigée en 1876, après la mort de son jeune frère René.
" Je laisse à Mademoiselle Charlotte Berthier une rente viagère de douze mille francs.
Je désire que cette rente soit insaisissable et payable tous les mois, j’aimerais même mieux
tous les quinze jours. Albert Courtier pourrait se charger de ce soin. Cette rente doit être nette de tous droits de succession "
Et plus loin...
" Je laisse en plus à mademoiselle Charlotte Berthier la petite maison que je possède au petit Gennevilliers laquelle est louée actuellement à Mr Luce, toujours nette de tous droits."
Ce monsieur Luce est vraisemblablement le constructeur naval avec lequel Gustave avait conçu pas moins de 25 plans de bateaux, dont le fameux "Roastbeef", son préféré.
Dans ses conférences d'histoire de l'art, Fabrice Roy conjugue le passé au présent, dans une évocation poétique et ludique du 19ème siècle français...