Heilbuth et les femmes au bord de l'eau
Né à Hamburg en 1826, Ferdinand Heilbuth entre à l'atelier Gleyre en 1847 (Monet avait alors 7 ans) et, jusqu'en 1865, il peint surtout des scènes de genre réalistes et des compositions romantiques sur des sujets d'histoire.
A partir de 1874, son style évolue nettement sous l'influence d'Edouard Manet. Ses toiles représentent des paysages et des bords de rivière lors qu'il passe le plus clair de son temps sur les rives de la Seine, à Bougival (où séjournera Berthe Morisot), à Croissy (où se trouvait la Grenouillère peinte par Claude Monet et Auguste Renoir) ou encore à Meudon.

Si Ferdinand Heilbuth va sacrifier à la mode du canotage, il va rapidement se concentrer sur la représentation d'élégantes solitaires en excursion, contrairement aux joyeux canotiers d'Auguste Renoir ou aux couples d'Edouard Manet. Sur la toile ci-dessus, une jeune femme en robe rose pâle et à l'impressionnant chapeau semble plongée dans une rêverie mélancolique sous le regard de son petit chien (qui ressemble à celui de Charlotte Berthier, compagne de Gustave Caillebotte). L'absence de ciel renforce la puissance évocatrice de l'eau, qui recouvre plus de la moitié du tableau, et concentre le regard sur le sujet,

On retrouve la robe rose dans cette composition (est-ce le même modèle?) où cette fois, la jeune femme est en train de pêcher. Le geste indique qu'elle vient de lancer sa ligne et l'absence de tout matériel suggère que la pêche n'est pas pour elle une affaire sérieuse mais plutôt une manière d'occuper les longues heures d'un après-midi d'été...

Cette composition d'une grande maîtrise est une aquarelle complétée par des touches de gouache sur papier. La jeune femme a déposé son ombrelle destinée à protéger son teint pâle des rayons du soleil filtrés par des nuages laiteux. De ses mains gantées elle a déplié une lettre qu'elle lit avec attention. Le caractère sauvage de la grève est atténué par les personnages en arrière-plan, assis sur le sable ou manœuvrant des skiffs, cependant que de petits voiliers se détachent à l'horizon.

Naturalisé français en 1878, Ferdinand Heilbuth sera décoré de la Légion d'honneur en 1881. Ami d'Edouard Manet, admirateur de Claude Monet et d'Edgar Degas, le peintre restera curieux de toute évolution picturale et développera tout au long de sa carrière une grande maîtrise des différentes techniques, aquarelle (il sera membre fondateur de la société des aquarellistes français), gouache, pastel et huile.
Vincent Van Gogh écrivait en 1883 à Anthon van Rappard " Maintenant, j'ai aussi un grand Heilbuth en double, Au bord de l'eau, la figure d'une dame, elle est assise sur une partie d'un tronc d'arbre... c'est très beau."
Ferdinand Heibuth s'éteint en 1889, à Paris après avoir légué sa fortune à l'Association des artistes peintres français.
Dans ses conférences d'histoire de l'art, Fabrice Roy conjugue le passé au présent, dans une évocation poétique et ludique du 19ème siècle français...