Jacques Lefebvre-Linetzky: le sens hors du sens...
Très jeune, Jacques Lefebvre-Linetzky a eu le goût du dessin. Nourri des livres de Shakespeare, Dickens, Conan-Doyle ou encore Giono, ce professeur agrégé d'anglais s'est attaché très jeune à représenter lignes, glyphes et couleurs avec une incroyable minutie, au point d'utiliser une loupe pour ses réalisations. Et puisque c'est l'homme de plusieurs passions, mentionnons au passage que cet adepte du judo ( ceinture noire s'il vous-plait) a créé la première option cinéma de l'académie de Nice en enseignant aux élèves et aux professeurs la façon de décrypter une image et d'analyser un film.
Partant du principe "qu'écrire, c'est dessiner", Jacques Lefebvre-Linetzky s'est pris de passion dès son enfance pour les instruments d'écriture comme les stylos-plume Parker. Avec ceux-ci, il a progressivement rétréci ses lettres, au point de les rendre bien formées mais minuscules, obligeant ses professeurs à un effort certain pour les déchiffrer. Puis, ce fut la découverte du Rotring aux lignes fines, utilisés par les dessinateurs industriels. Avec cette arme nouvelle, le jeune Jacques dessinait en écrivant, à moins que ce ne soit le contraire, avec l'application d'un moine penché sur son scriptorium.
Partons à la découverte de quelques-unes des œuvres tirées de son livre "Graphies" qui vient de paraître chez MB éditions.

Sur le tableau des séries "Démembrement", les signes posés au feutre sur papier aquarelle évoque le linéaire B des tablettes de l'âge mycénien, augmenté de l'utilisation de trois couleurs. Nul besoin d'être un Champollion des temps modernes pour déchiffrer cette œuvre parfaitement asémantique, dont l'absence de signification objective offre à notre imagination des champs infinis.

Dans "Le noir l'emporte", les quatre couleurs utilisées drapent les formes dans une approche plus figurative, comme si l'écriture cédait peu à peu la place à une image globale, dans la recherche dynamique d'une posture impossible à figer. Dans cette prison blanche, les signes interagissent, s'enlacent ou cherchent à fuir dans une tentation centrifuge bornée par un rectangle virtuel.

Les deux sabliers remplis haut et bas (ce qui les empêche de remplir leur fonction) présentent des évidements qui pourraient symboliser le temps prisonnier, en bas, et le temps qui s"enfuit, en haut. Ce thème de la prison et de la fuite, déjà présent dans le tableau "Le noir l'emporte", s'inscrit dans une multitude de signes, comme autant de grains de sable dont chacun aurait une signification visuelle et, pourquoi pas, phonétique ou représentative, à l'image de l'écriture hiératique égyptienne.
Comme l'exprime Jean-Claude Brun dans la préface qu'il consacre au livre de Jacques Lefebvre-Linetzky: comment donner forme au temps ? Les réponses multiples figurent dans les pages d'un ouvrage que je conseille vivement d'acquérir.

Graphies
Jacques Lefebvre-Linetzky
MB éditions
Le blog de Jacques Lefebvre-Linetzky
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