La maison du père Lathuile, c'était plus qu'un cabaret, plus qu'un restaurant. C'était un lieu de pèlerinage sur la barrière de Clichy. En mars 1814, le maréchal Moncey tente de défendre Paris contre les cosaques avec des éléments disparates de la garde nationale: soldats invalides, élèves vétérinaires, bourgeois sans expérience. Il installe son poste de commandement chez Jean-Marie Lathuile et réussit à repousser les russes jusqu'au cessez-le-feu. Le taulier distribue son vin aux soldats en disant: " Buvez, mes amis, buvez gratis ! Ne laissez pas aux cosaques une seule bouteille de mon vin ! ".
Édouard Manet, qui y allait quelques fois, a immortalisé l'établissement avec un tableau peint en 1879, trois ans avant sa mort.
Sur ce tableau, un petit gars entreprenant tente manifestement de séduire une femme dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle est sur la réserve, les deux avant-bras posés sur la table. Il a son verre à la main, d'ailleurs, il semble être le seul à boire, et pose un regard aussi interrogateur que malicieux sur sa voisine, dont il fait le siège en posant familièrement sa main gauche sur le dossier de la chaise. En arrière-plan, un serveur, tenant une chocolatière et un plateau sous le bras, observe la scène avec un air réprobateur.
Édouard Manet a fait poser pour l'occasion le fils du Père Lathuile et la comédienne Hélène André, remplacée après deux séances de pose par Judith French, une parente de Jacques Offenbach.
On ne peut s'empêcher de faire le rapprochement avec le tableau d'Auguste Renoir "Dans le jardin" dans lequel il se met en scène, enlaçant Aline Charigot qui a donné naissance la même année à Pierre Renoir son fils ainé.
Horace Vernet a peint l'épisode de la défense héroïque de la barrière de Clichy par les troupes du maréchal Moncey. On y voit le restaurant du père Lathuile au fond à droite. Ce même Moncey, qui assistera à 86 ans au retour des cendres de l'Empereur à Paris. Il avait supplié son médecin de le maintenir en vie jusqu'au jour de la cérémonie et il dira, après avoir aspergé le cercueil de Napoléon d'eau bénite: " C'est bien. Rentrons mourir"...
Dans ses conférences d'histoire de l'art, Fabrice Roy conjugue le passé au présent, dans une évocation poétique et ludique du 19ème siècle français...
