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Au café avec Béraud

Peintre attentif de la vie parisienne de la Belle Époque, Jean Béraud (1849-1935) a commis en 1909 une vingtaine de tableaux qui décrivent l'intérieur d'un bar en jouant sur les reflets des personnages dans un miroir, non sans provoquer de nombreuses questions. Penchons-nous (pas trop quand même...) sur l'un d'entre eux: "Au café", peint trente trois ans après " L'absinthe " d'Edgar Degas.

Willard Leroy Metcalf. On the Suffolk Coast. 1885. collection particulière.
Jean Béraud. Au café. 1909. Paris Musée Carnavalet

Une femme et un homme sont assis à une table dans un bistrot, le dos contre un mur couvert de boiseries, et incrusté d'un miroir qui montre une séparation en verre dépoli, ce qui suggère qu'ils se trouvent dans un box. A l'arrière-plan, on découvre la salle, et l'écriteau "Bar", dont les lettres sont curieusement dans le bon sens, alors qu'en toute logique, elles devraient être à l'envers. Un grand lustre dont on ne voit que la suspente trace une verticale aux deux tiers. Le spectateur, ou le peintre, c'est selon, est placé juste en face de la composition. La chaise vide suggère qu'il vient de se lever pour capter la situation et permet fort à propos de dissimuler les jambes du personnage masculin. Mais dans ce cas, son reflet devrait apparaitre dans le miroir.

Sur la table, l'homme a devant lui son verre contenant une mesure d'absinthe et sur lequel il a placé le rituel morceau de sucre sur une cuillère perforée. Il a déjà versé dessus l'eau glacée d'une carafe qu'il repose de la main gauche. Le sucre va maintenant se dissoudre peu à peu et tomber goutte à goutte sur le liquide vert, qui va "loucher" et devenir opalescent. Ayant allumé une cigarette, l'homme semble expliquer quelque chose à la femme qui l'écoute à peine, enfermée dans ses pensées. Elle a la main droite posée sur un porte-monnaie. Devant elle, une espèce de baba, et un petit verre à liqueur posé sur un cendrier.

Jean Béraud dépeint vraisemblablement un échange entre un souteneur et sa "protégée" dans ce tableau exécuté pour la galerie Bernheim jeune.

Willard-Leroy Metcalf. Ballerines. 1885. collection privée
Edgar Degas. L'absinthe. 1876. © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

Sur le tableau d'Edgar Degas figurent Ellen André, comédienne et modèle, aux côtés de Marcellin Desboutin, peintre-graveur. Le tableau nuisant à leur réputation, Degas devra préciser publiquement qu'ils ne sont pas alcooliques !

Le cadrage décentré, ménageant des vides et sectionnant la pipe et la main de l'homme, est inspiré des estampes japonaises. Edgar Degas l'utilise ici pour produire une certaine confusion liée à la consommation d'alcool.


Dans ses conférences d'histoire de l'art, Fabrice Roy conjugue le passé au présent, dans une évocation poétique et ludique du 19ème siècle français...



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