La dernière Vespasienne
Arrivé à Paris ce matin, je descends le boulevard Arago depuis Denfert-Rochereau, comme à mon habitude quand je monte à la capitale. Je connais bien ce quartier qui est celui de ma jeunesse, Arago, Mouffetard, Port-Royal, Saint-Marcel, Gobelins.
Je marche d'ordinaire d'un bon pas, je passe devant la sinistre prison de la Santé chantée par Yves Duteil, je foule les feuilles mortes déposées par l'automne à peine présent. J'ignore pourquoi, mais mes yeux se portent soudain vers un édicule qui n'aurait attiré aucun regard particulier il y a un siècle, mais qui m'a subitement semblé incongru dans le paysage. Ce vaisseau de tôle vert sombre ancré à l'asphalte du trottoir est peut-être la dernière vespasienne de Paris. Destinées à recueillir les mictions plus ou moins impérieuses des gentlemen de passage tout en préservant l'essentiel des regards, les vespasiennes furent introduites dans la capitale à partir de 1877, remplaçant progressivement les fameuses "Colonnes Rambuteau", dont 400 exemplaires avaient été installés en 1841.

J'ai contemplé un instant ce vestige à présent inutile (encore que...) d'une époque de modernité galopante, pourtant inclus dans certaines toiles de nos amis réalistes à l'instar d'Édouard Febvre (1885-1967) ou encore d'Alexandre Roubtzoff (1884-1949), peintres tombés dans l'oubli, Et je me suis demandé comment faisaient ces dames, envieuses, sans doute, d'une telle commodité offerte à ces messieurs et qui, pour le même besoin, devaient demander asile dans un estaminet, à défaut de trouver un bosquet protecteur.


Dans ses conférences d'histoire de l'art, Fabrice Roy conjugue le passé au présent, dans une évocation poétique et ludique du 19ème siècle français...